PISA : quand la langue prime sur la compétence
Tous les trois ans, l’OCDE publie l’étude PISA, qui compare les performances des élèves de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences, et établit des classements internationaux. Le Luxembourg participera de nouveau après six ans d’absence, et les résultats de cette session sont attendus pour fin 2026. C’est le moment idéal, selon Gaston Ternes, pour s’interroger sur la pertinence et la fiabilité de ces comparaisons.
PISA se veut scientifique, neutre et comparable à l’échelle mondiale. Pour garantir cette objectivité, des critères stricts sont appliqués : chaque élève doit passer le test dans la langue officielle de son enseignement. Au Luxembourg, cela signifie l’allemand ou le français dans les écoles nationales, et l’anglais dans les écoles internationales.
Mais les participants doivent choisir une seule langue pour l’ensemble du test. Les deux tiers des élèves luxembourgeois optent pour l’allemand, et doivent résoudre les exercices de mathématiques dans cette langue, alors que cette matière est enseignée en français depuis trois ans. Cette situation révèle combien les critères de l’OCDE sont éloignés de la réalité du système éducatif luxembourgeois, où la relation entre langue et compétence est bien plus complexe.
Des ajustements statistiques ne suffisent pas à compenser ce décalage. Dans la plupart des pays, la langue d’enseignement coïncide avec la langue maternelle ; au Luxembourg, ce n’est pas le cas. Nos élèves ne sont pas moins compétents, mais ils rencontrent davantage de difficultés à comprendre les textes dans la langue du test. PISA mesure donc surtout la compétence linguistique, et non la performance disciplinaire.
Soyons clairs : pour PISA, le multilinguisme est perçu comme un handicap, alors qu’il constitue l’une de nos plus grandes forces. Les élèves capables de passer spontanément d’une langue à l’autre développent flexibilité cognitive, pensée en réseau et aptitude à comparer – autant de compétences essentielles dans une éducation moderne et tournée vers le monde.
Le Luxembourg ne devrait pas se contenter d’être évalué par l’OCDE, mais participer activement à l’évolution de ces études. Les tests PISA devraient permettre de choisir librement la langue selon la matière ou la section. L’évaluation de l’utilisation compétente de plusieurs langues devrait devenir obligatoire, et non limitée à des modules facultatifs qui n’influencent pas le classement. Mieux encore : la capacité à utiliser plusieurs langues de manière flexible devrait devenir un indicateur central.
PISA pourrait ainsi devenir pour le Luxembourg un véritable laboratoire pour l’avenir de l’apprentissage. Une méthodologie adaptée montrerait que penser en plusieurs langues n’est pas un désavantage, mais un atout. Utiliser plusieurs langues dans une matière, en plus de la langue d’enseignement, pourrait transformer la langue en outil plutôt qu’en barrière.
C’est une piste essentielle pour le Luxembourg : montrer que compétence ne signifie pas penser dans une seule langue, mais naviguer avec aisance entre plusieurs.
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